Ce rapport, rédigé au nom de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, a été remis à la Mecss et à la commission respectivement les 21 et 22 juillet.
Cyrille Isaac-Sibille constate que "le premier DMP a été édifié dans le vide [à partir de 2004], en créant un outil technologique autocentré, sans finalité précise et sans ceux qui auraient dû le faire vivre", les patients et le corps médical.
Il salue sa reprise en main par la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) en 2016, qui "a permis que le DMP soit, depuis 2018, proposé à tous les Français, alimenté de manière automatique et enrichi de services qui devraient, dans quelques années, en faire un outil de référence de la pratique médicale".
Il estime que le DMP "doit servir d’aiguillon à une mise en cohérence des données de santé, autour de quatre objectifs clairs:
- donner au patient la connaissance et le contrôle sur ses données de santé
- se faire accepter comme un outil utile à la pratique médicale, comme le fut le carnet de santé cartonné pour plusieurs générations
- partager les documents de santé nécessaires au parcours de soins
- donner aux professionnels et établissements de santé l’information médicale nécessaire au traitement du patient dans une logique de parcours de soins coordonnés."
Une fois structurées et anonymisées, les données de santé contenues dans les DMP doivent alimenter le Health Data Hub, plaide également le député.
"Au-delà de leur usage individuel pour une meilleure coordination des soins", ces données peuvent "avoir un intérêt collectif pour l’épidémiologie, la prévention et la recherche, en permettant de mieux connaître l’état de santé de la population d’un territoire".
"Cependant, cela oblige à passer d’un DMP conçu comme un coffre-fort fourre-tout et illisible où s’accumulent sans ordre des documents de santé à un DMP alimenté par un flux construit autour de la donnée structurée de santé, ordonné, lisible et donc utile", indique-t-il.
Au 9 juin, 9,3 millions de DMP ont été ouverts, apprend-on dans le rapport.
La Cnam a un objectif de 20 millions d'ouvertures en 2020, et de 40 millions en 2022, date Ă laquelle l'ouverture sera automatique sauf opposition du patient.
Cyril Isaac-Sibille dresse 37 recommandations, regroupées selon les publics concernés, afin de faire du DMP "le centre du virage numérique de notre système de santé".
Pour "permettre en un seul clic l’accès au DMP et aux outils numériques" aux professionnels de santé, il recommande notamment de:
- "supprimer le carnet de santé papier et intégrer son contenu au sein du DMP" (recommandation n°26)
- intégrer dans la formation initiale et la formation continue des professionnels de santé "des modules de formation aux outils et enjeux de l’informatique médicale et de l’e-santé", et "instaurer un label attestant de la numéricité des professionnels de santé" (recommandations n°6 et 7)
- "intégrer l’identité du médecin traitant dans le DMP afin de pouvoir lui signifier l’ouverture de celui-ci et d’organiser avec le patient la rédaction du volet de synthèse médicale dans un délai déterminé", et "intégrer dans le forfait patientèle médecin traitant une rémunération du praticien pour alimenter et suivre le DMP" (recommandations n°14 et 18)
- "rendre le contenu du dossier pharmaceutique consultable au sein du DMP" et "intégrer l’accès au DMP dans le nouveau système d’information des Samu" (SI-Samu) (recommandations n°22 et 25)
Le député s'intéresse aussi aux établissements de santé. Pour eux, il préconise de:
- faire "prendre en charge par l’assurance maladie le coût des développements nécessaires à l’alimentation automatique des DMP par les SI [systèmes d'information] des établissements de santé" (recommandation n°10)
- "renforcer le financement du programme Hop'EN pour mettre à niveau les SI des établissements de santé au sein des groupements hospitaliers de territoire [GHT]" (recommandation n°11)
- "engager une convergence des SI des établissements de santé vers un nombre plus limité de logiciels, assurant de manière native la sécurité des données et l’alimentation des DMP des patients" (recommandation n°12)
- "confier à la plateforme des données de santé et à l’Agence du numérique en santé (ANS, ex-Asip santé) la mise en place d’un référentiel opposable sur l’exploitation et la valorisation des données de santé contenues dans les entrepôts de données et sur les principes de rémunération de ses producteurs" (recommandation n°5).
Concernant les éditeurs, Cyril Isaac-Sibille souhaite "rendre obligatoire l’utilisation d’un logiciel médical comportant les dernières mises à jour compatibles avec l’alimentation du DMP, dont le coût est pris en charge par l’assurance maladie" et "mettre en place un référentiel d’interopérabilité obligatoire, opposable aux éditeurs de logiciel dans les six mois, comprenant des prescriptions applicables notamment à l’alimentation des DMP" (recommandations n°9 et 19).
Les organismes de tutelle doivent quant à eux "assurer le pilotage et les ressources financières et humaines nécessaires pour donner au DMP les moyens de ses ambitions", estime le député.
Il recommande de "renforcer les moyens humains et financiers dédiés au développement du DMP par la Cnam et l’État" (recommandation n°35).
Concernant la gouvernance, le rapport appelle à "donner à la délégation ministérielle du numérique en santé (DNS) un rôle de surveillance de l’espace numérique de santé (ENS) et à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) un rôle de contrôle de l’ENS" (recommandation n°33), et à en confier la sécurité à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) via des audits (recommandation n°32).
Plusieurs recommandations visent à faciliter l'exploitation des données de santé, notamment en les structurant (n°16, 30 et 27).
Enfin, d'autres préconisations portent sur l'amélioration de l'information des patients (n°1, 20, 21), notamment la n°37: "proposer, au sein de l’espace numérique de santé, un mécanisme permettant au citoyen de gérer ses données de santé et de consentir librement à leur usage à des fins d’innovation et de recherche".
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