Cette élection se joue dans un contexte de crise majeure. Si l’épidémie semble vaincue en France, elle a atteint des proportions catastrophiques en Belgique et en Allemagne qui ont dû être évacuées et dont les réfugiés affluent dans les Hauts-de-France.
L’action du deuxième tome se déroule plusieurs mois après la fin du premier et son personnage principal, S.A.R.R.A. (pour "Système automatisé de réponse rapide aux alertes") a encore progressé, jusqu'à "plonger au cœur de nos consciences".
"L'IA a continué à accumuler massivement des données sur la pandémie, son contexte mais aussi sur nous-même. Elle dispose d’un instrument très puissant pour nous connaître: les puces neuronales qu’un grand nombre d’entre nous se sont faites implantées -contre rémunération- à partir de 2024. S.A.R.R.A. peut donc se faire une idée beaucoup plus précise de ce que nous pensons. Elle plonge au cœur de nos consciences", a expliqué David Gruson à TICsanté.
Si S.A.R.R.A. ne peut pas encore "penser" seule, elle se forge, page après page, une conscience "instrumentale", "artificielle" qui donne parfois à lire un monde apocalyptique, même si son auteur rassure: "S.A.R.R.A. n’est pas l’IA de Terminator ou de Matrix qui reste complètement fantasmagorique. Elle est proche de notre temps, c'est ce qui fait la force de ce personnage."
Dans une course-poursuite entre le pouvoir en place et le Mouvement de résistance contre les robots (M2R), lointain successeur des "Gilets jaunes", l'IA s'est donc muée en "conscience artificielle", ni bonne ni mauvaise mais dont les dérives apparaissent dès lors que la garantie humaine en IA (inscrite dans le projet de loi bioéthique et ardemment défendue par l'auteur du roman) faiblit.
"Je voulais, dans 'S.A.R.R.A., une conscience artificielle', suivre l’évolution de l’IA. Le thème central du livre, c’est effectivement cette forme de course-poursuite entre l’avancement de la technologie et la nécessité d’une garantie humaine pour en réguler les enjeux éthiques", a détaillé David Gruson.
"Le contexte de gestion de crise majeure que nous vivons en ce moment -et qui est aussi au cœur de S.A.R.R.A.- peut donner le sentiment d’un moindre besoin de cette garantie humaine alors que c’est tout l’inverse. C’est parce que nous sommes en gestion de crise qu’il faut encore plus être attentifs."
"Le hasard n’existe pas", fait répéter l'auteur à l'IA. Et la sortie, le 23 mars, du tome 2 de S.A.R.R.A. intervient dans un contexte de résonances troublantes avec la gestion de crise actuelle associée au coronavirus.
"Il y a vraiment un lien étrange qui s’est noué entre S.A.R.R.A. et le réel. Sur certains plans, la réalité va beaucoup plus vite que la fiction. Dans le premier tome, l'IA tente de fabriquer un vaccin pour répondre au virus. Or, cette percée est déjà survenue dans le monde réel avec une publication de juillet 2019 de l’équipe australienne de l’Université Flinders de la première fabrication par IA d’un adjuvant au vaccin contre la grippe saisonnière", a expliqué David Gruson à TICsanté.
Entre pandémie virale mortelle, gestion de crise sanitaire en contexte électoral et irruption de la technologie dans nos systèmes de santé, S.A.R.R.A. dépeint un monde nouveau déjà très proche de notre réalité de 2020 et au sein duquel l'Europe se débat.
Le parallèle avec l'actualité va jusqu’au nom même du géant numérique inventé dès le premier tome et au coeur de la gestion de crise fictive présentée dans S.A.R.R.A.: PanGoLink, dont le logo représente un... pangolin, animal aujourd’hui supposé être le vecteur de la transmission du coronavirus à l'homme.
Ce géant industriel fictif, de plus en plus puissant, interroge néanmoins sur la place des acteurs européens dans la course à l'IA dans laquelle le Vieux continent promet, année après année, de s'engager avec force.
"Il y a un enjeu essentiel sur notre capacité à produire ces innovations en Europe, dans un contexte protecteur de nos données avec le règlement général européen relatif à la protection des données (RGPD) et attentif à la notion de garantie humaine. Dans le monde de S.A.R.R.A., cette bataille est perdue pour l’essentiel avec un duopole qui s’est installé entre les deux géants américain et chinois, PanGoLink et Fu-Tech", a expliqué l'auteur.
Et en 2020, l'IA peut-elle aider à endiguer l'épidémie de Covid-19 à laquelle le roman se réfère largement? "Cette défaite de l’Europe n’est pas encore consommée", répond David Gruson. "Il y a urgence à engager un mouvement puissant de soutien à l’innovation en santé. Le Livre blanc de la Commission européenne sur l’IA publié en février dernier va dans le bon sens de ce point de vue. Nous essayons d’y apporter notre pierre avec Jouve dont je dirige les activités santé en mettant au point une solution innovante d’IA pour l’entrée en relation des patients avec le système de santé. La démarche doit bien sûr être collective et la crise actuelle résonne aussi comme un électrochoc à cet égard."
En attendant une éventuelle suite -tout à fait imaginable au vu de l'épilogue- Beta Publisher, éditeur des deux tomes de S.A.R.R.A., et David Gruson ont décidé de reverser 50% des revenus du livre à la Fondation Médecins sans frontières (MSF), qui s’est notamment engagée dans le développement d’outils numériques et d’IA innovants et éthiques dans la réponse aux risques épidémiques.
Parallèlement, un fonds de dotation -dont les financements collectés seront reversés aussi à la Fondation MSF- a été lancé.
Par ailleurs, la fiction devrait bientôt débarquer sur nos écrans, "un projet d’adaptation des livres sous forme de série télévisée est d'ores et déjà porté par Alandra Productions", a déclaré David Gruson.
(David Gruson, "S.A.R.R.A., une conscience artificielle, partie 2", éd. Beta Publisher)
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