Agnès Buzyn, accompagnée de sa secrétaire d'Etat Christelle Dubos, répondait aux députés de la commission des affaires sociales dans le cadre d'un "printemps de l'évaluation" portant sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2018 et 2019.
Le rapporteur général de la commission, Olivier Véran (LREM, Isère), et la députée Albane Gaillot (LREM, Val-de-Marne) l'avaient interrogée sur la lente montée en charge de la télémédecine, dont le Parlement a avalisé le basculement du financement dans le droit commun à travers la LFSS pour 2018.
Selon Olivier Véran, l'assurance maladie décompte désormais environ 2.000 actes de télémédecine par semaine, avec un bilan de 100.000 actes pour la première année de déploiement au lieu des 500.000 attendus.
"Je me suis moi-même inquiétée de la montée en charge relativement lente des actes de télémédecine (téléconsultation ou téléexpertise)", a observé Agnès Buzyn, évoquant l'organisation progressive des acteurs de terrain (achat de matériel, formation, réservation de plages horaires dans les centres de santé ou maisons de santé).
"Cette organisation explique que cela ne soit pas simple et immédiat", a-t-elle souligné.
"Certains demandent une extension du remboursement à la télémédecine de manière beaucoup plus large", notamment aux plateformes dédiées, a poursuivi la ministre. "Certains demandent le remboursement d'actes de télémédecine fournis par des prestataires, voire des sociétés privées qui embauchent un certain nombre de médecins."
Actuellement, les actes effectués par ces plateformes ne sont pas remboursables s'ils s'inscrivent hors du parcours de soins et des stipulations conventionnelles fixées dans l'avenant n°6 à la convention médicale, ce que certaines plateformes contestent.
"Je suis dubitative sur cette proposition pour deux raisons", a observé Agnès Buzyn.
"Nous n'arrêtons pas de prôner un parcours de soins coordonnés. Nous voulons donc que les citoyens aient accès à des professionnels de santé qui les connaissent, leur dossier, qui puissent correspondre entre eux", a d'abord souligné la ministre.
"Accéder à une consultation médicale en ligne ne permettra pas une bonne articulation de la prise en charge du patient dans son territoire, avec les acteurs de santé du territoire qui le connaissent, voire une réorientation appropriée vers des professionnels ou des urgences spécialisés en fonction de sa pathologie", a-t-elle développé.
"Donc je ne suis pas sûre que le service rendu soit excellent par rapport à cette nécessité d'organiser un parcours de soins coordonnés inscrit dans le territoire", a ajouté la ministre.
Elle a ensuite estimé qu'une telle mesure allait à l'encontre des objectifs d'installation des médecins généralistes en zone sous-dense.
"Si nous développons ce type de facilité, et que nous n'inscrivons pas la télémédecine comme une plateforme territoriale qui aide les professionnels à offrir du soin, nous allons avoir toute une génération de médecins qui vont privilégier d'être salariés de ce genre d'institutions privées, et qui n'auront plus aucune vocation à s'installer et à voir des malades, et je crains vraiment que l'on participe à la désertification médicale", a observé Agnès Buzyn.
"Je préfère que chaque territoire propose une mise en œuvre de la télémédecine ancrée avec des professionnels qui se connaissent", a conclu la ministre, précisant que les agences régionales de santé (ARS) avaient pour instruction d'accompagner les projets de télémédecine territoriaux.
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