Avec la "territorialisation" du système de santé, "les combinatoires entre les GHT, la médecine de ville et les opérateurs du numérique sont possiblement infinies", a-t-il estimé.
"Où finira l'hôpital, où commencera la ville, demain, quand on aura une téléconsultation ou qu'un médecin de ville sollicitera l'avis d'un expert spécialiste à l'hôpital?", a-t-il interrogé à l'occasion de ce café Nile sur le thème "Télémédecine: comment sortir enfin des expérimentations pour une mise en place concrète sur le terrain?".
Reconnaissant "les engagements de la stratégie e-santé 2020" présentée par la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine (voir dépêche du 4 juillet 2016) et "le discours très fort" du gouvernement sur le soutien à l'innovation en santé, David Gruson a rappelé à plusieurs reprises la nécessité de "déverrouiller le modèle économique de la télémédecine".
La FHF a regretté le manque d'annonces de la ministre sur le financement de la télémédecine, de la téléconsultation et de la télé-expertise, après la présentation de sa stratégie pour l'e-santé, rappelle-t-on (voir dépêche du 11 juillet 2016).
"Il faut construire un modèle de substituabilité comme pour la chirurgie ambulatoire", a prôné David Gruson. "On est sur un levier de financement forfaitaire alors même que pourrait très bien être défini un modèle économique de solvabilité d'activité pour les acteurs, et efficient pour les financeurs", a-t-il ajouté.
Le délégué général de la FHF a cité l'exemple des flux d'évacuation sanitaire entre Mayotte et le plateau technique du CHU de la Réunion, dont il a été directeur général à partir de 2012 avant de rejoindre la fédération publique.
"On s'est aperçu qu'une partie de ce flux était évitable grâce à la téléconsultation", a-t-il expliqué. Citant les frais liés aux transports sanitaires et à l'hébergement des patients venant de Mayotte, il a indiqué avoir estimé l'économie réalisée avec la téléconsultation "entre 2 millions et 4 millions d'euros".
"Il nous a fallu plus de deux ans pour convaincre l'agence régionale de santé (ARS) de déclencher une expérimentation de financement et lancer un modèle économique de téléconsultation", a-t-il témoigné.
PRIORITÉ POUR LE PLFSS 2017
La télémédecine est "l'une des priorités" de la FHF pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, a assuré David Gruson, espérant que "les parlementaires vont agir".
Il a regretté le "retard" pris par l'Hexagone sur la question du financement de la télémédecine, "d'autant plus incompréhensible que la France a été en avance dans la définition d'un cadre juridique".
La télémédecine est définie et encadrée depuis 2010 par un décret pris en application de de la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), rappelle-t-on (voir dépêche du 21 octobre 2010).
Pour rappel, l'article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014 fixe une "tarification préfiguratrice" pour des expérimentations d'actes de téléconsultation, de télé-expertise et de télésurveillance (voir dépêche du 28 octobre 2013).
Après un premier volet d'expérimentations sur le traitement des plaies "chroniques et/ou complexes", un nouveau cahier des charges paru le 6 mai 2016 a étendu les financements dérogatoires à l'ensemble des patients atteints d'affection de longue durée (ALD) ou résidant en structure médico-sociale (voir dépêche du 10 mai 2016).
La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a annoncé la publication de nouveaux cahiers des charges, cet été, concernant l'insuffisance cardiaque chronique, l'insuffisance respiratoire sévère, l'insuffisance rénale chronique et le diabète, rappelle-t-on (voir dépêche du 1er juin 2016).
"Il ne faut pas retoucher le cadre juridique", a dit David Gruson, appelant les pouvoirs publics à prévoir un "schéma de financement simple" et à "faire confiance aux acteurs" sur la mise en oeuvre de la télémédecine.
"Si l'on retarde encore l'échéance, je crains que ce retard soit irrémédiable et négatif pour les patients", a-t-il déploré.
LOURDEUR ADMINISTRATIVE
Invitée à témoigner lors de ce même café Nile, la cofondatrice du site de téléconseil médical MesDocteurs.com, Séverine Grégoire, a fait part des difficultés rencontrées pour développer son activité.
Fondée en 2015, la start-up rassemble 165 médecins partenaires inscrits au Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) et disponibles via le site MesDocteurs.com afin de répondre aux questions des internautes sur leur santé 24heures/24 et "en moins de 15 minutes" (voir brève du 18 juillet 2016).
"Le fait d'être très réglementé en France nous empêche de nous développer sur la téléconsultation", a relevé Séverine Grégoire.
Elle a souligné la "double difficulté" des démarches à réaliser auprès des ARS et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) afin de contractualiser une activité de téléconseil médical.
Ces démarches administratives sont "un processus très long", potentiellement préjudiciable aux start-up qui ont "une durée de vie très courte si l'on n'obtient pas rapidement des résultats", a-t-elle noté.
David Gruson et Séverine Grégoire ont tous deux rappelé les enjeux de la télémédecine afin de "répondre à une demande sociale" pour "l'accès aux soins", et "développer une filière économique et industrielle".
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