Il existe un retard assez significatif en matière de SID dans les établissements de santé, pour quatre principales raisons, indique Philippe Charbon. La première est liée au "réveil tardif des établissements de santé en besoin de pilotage" pour des raisons d’alimentation financière. Ensuite, le SI est "très éclaté avec une faible interopérabilité et une organisation en silos", explique-t-il. "L'approche technologique" a aussi été un frein au développement des SID, mentionne-t-il. Enfin, il y a une "difficile identification des besoins" car la "bonne démarche" n’a souvent pas été prise, en raison du mode de gouvernance des établissements hospitaliers, affirme-t-il.
Face à cette situation, il existe à ce jour trois grands phénomènes qui font évoluer les choses de manière importante: la pression réglementaire, celle liée aux besoins de qualité et d’accréditation et la pression financière autour de la T2A, estime-t-il. La nouvelle tendance devrait donc être une "vision globale et mutualisée", des "besoins stratégiques, financiers ou opérationnels" et une "solution en dehors des applications". Philippe Charbon considère en effet que les solutions décisionnelles rattachées à une application, "donnent une vision en silos et favorisent un pilotage partiel de l’établissement".
Les solutions décisionnelles en place dans les établissements portent souvent le caractère des années passées, alors que la tendance est de se diriger vers une véritable organisation avec la mise en oeuvre de tableaux de bord à différents niveaux: stratégique, organisationnel et opérationnel, de façon à s’aligner par rapport à la stratégie de l’établissement, constate-t-il. Dans une vision idéale, les tableaux de bord stratégiques regrouperaient les indicateurs projet et qualité. Les tableaux de bord organisationnels concerneraient la gestion des actes, des analyses médico-économiques et PMSI. Enfin, les études d'activités de codage, le suivi épidémiologique, les plateaux techniques, les analyses de pôles permettraient d'établir des tableaux de bord opérationnels. Ce type de démarche offre une "prospective pour évoluer vers un SID conforme aux besoins stratégiques", considère-t-il.
Un autre aspect important a trait aux utilisateurs. A chaque type de "consommateur de l’information", il faut offrir des présentations, des restitutions et des solutions adaptées, déclare Philippe Charbon. L’utilisateur de direction générale nécessite des tableaux de bord précis, interactifs, avec des condensés d'information sur la stratégie, alors que l’utilisateur opérationnel a besoin de tableaux de bord et d'outils de simulation et de prévision, ajoute-t-il.
Selon Philippe Charbon, les principaux écueils dans un projet décisionnel résident dans la qualité des données d’origine, les différentes applications, la surdose des indicateurs, le fait que le "grand projet de SID" n’aboutisse pas et celui de "privilégier la technologie au détriment du besoin".
La qualité des données d’origine est une grande préoccupation pour l’intégrateur qui met en place des SID. Afin de faciliter leur mise en oeuvre, il est important d'avoir des "référentiels communs et partagés multi applications et multi solutions". Une autre solution à envisager consiste à établir des "traducteurs externes aux applications, afin de disposer d’un langage commun" et de faire le ménage dans les données, indique-t-il.
Les applications sont différentes et ne coexistent pas, ce qui représente également un obstacle. Pour Philippe Charbon, il faut tout d’abord mettre en place des solutions, telles que des EAI (Enterprise Application Integration), pour faciliter l’échange des données. L’hétérogénéité des applications et du système est un véritable problème, car lorsqu’il faut faire remonter les données en temps réel, si l’établissement ne dispose pas de systèmes capables de se coordonner entre eux, la situation est impossible à gérer, observe-t-il. Lors des évolutions du SI, Philippe Charbon suggère de surveiller les fonctionnalités de SaaS (Software as a Service) et de connecteurs d’échange.
Un autre écueil constaté par Philippe Charbon concerne la surdose des indicateurs. Leur gestion est un problème ardu, souligne-t-il. Envisager d'identifier au départ une quantité réduite d’indicateurs et s’assurer que la valeur de chacun est "connue, diffusée et partagée" peut être une solution, propose-t-il.
Pour que le projet SID aboutisse, Philippe Charbon préconise de "commencer petit, de penser global pour agir local" et de croiser une approche simultanée "tableaux de bord stratégiques et indicateurs opérationnels". Enfin, lorsque la technologie est privilégiée au détriment du besoin, il ne faut pas hésiter à conjuguer différents outils (ce qui apportera une vision différente) et partir du besoin stratégique en choisissant sa solution en fonction de critères d’interopérabilité, conseille-t-il.
Le retard des établissements de santé est important en matière de SID, alors que la pression sur ces besoins augmente, même si toutes les règles du jeu restent encore à définir. Des solutions existent sur le marché en dépit d'une tendance technologique parfois trop forte et alors qu'il faut envisager le problème d’un point de vue stratégique, estime Philippe Charbon. Un projet décisionnel n’est souvent pas perçu comme un projet générateur de valeur. Pourtant, "on peut en quelques jours gagner beaucoup d’argent", simplement en faisant remonter ces problèmes de qualité des données qui, par la suite, vont mettre en avant les difficultés de codage, conclut Philippe Charbon./eg/ajr
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