Depuis le 15 septembre 2018, le remboursement de droit commun des actes de télémédecine est entré en vigueur et pourtant, plus d'un an et demi après, la pratique peinait encore à décoller.
Faute d'usages ou de preuves du bénéfice de la téléconsultation, au 15 septembre 2019, on dénombrait péniblement "plus de 60.000 actes de téléconsultations facturés à la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam)", contre les 500.000 espérées.
L'épidémie de Covid-19 venant, la pratique de la "télésanté" s'est révélée efficace pour protéger les médecins exposés au coronavirus et éviter de faire se déplacer les patients au cabinet dans le même but, la télémédecine est aussi devenue un bon moyen d'assurer le suivi médical des patients infectés ou suspectés de Covid-19.
Les résultats publiés par la Cnam le 31 mars parlent d'eux-mêmes: la croissance des téléconsultations est "exponentielle". Ce sont précisément 486.369 téléconsultations ont été facturées à l'assurance maladie pendant la semaine du 23 au 29 mars alors que "moins de 10.000 téléconsultations par semaine étaient facturées début mars".
Les téléconsultations constituent désormais "plus de 11% de l’ensemble des consultations contre moins de 1% avant la crise", a même souligné l'assurance maladie.
Leader incontestable de la télémédecine en France, le spécialiste de la prise de rendez-vous en ligne, Doctolib, a revendiqué le 30 mars un nombre de téléconsultations multiplié par 100 depuis le début de la crise sanitaire.
L'explosion du recours à la télémédecine a aussi été permise par l'appui et les assouplissements réglementaires successifs actés par les pouvoirs publics ces dernières semaines, encouragés par la Haute autorité de santé dans un avis publié le 2 avril.
Le décret publié le 10 mars au Journal officiel, fut le premier d'une longue liste à venir assouplir, jusqu'au 30 avril, le cadre réglementaire de la télémédecine pour répondre à la crise du Covid-19.
Il n'avait pourtant pas manqué d'inquiéter les spécialistes de la protection des données de santé. En cause, le contexte exceptionnel de crise sanitaire est venu autoriser les téléconsultations "via n'importe lequel des moyens technologiques actuellement disponibles pour réaliser une vidéotransmission (lieu dédié équipé mais aussi site ou application sécurisé via un ordinateur, une tablette ou un smartphone, équipé d'une webcam et relié à internet)".
En attendant, les pouvoirs publics venaient ici de signer le premier texte officiel encourageant à la pratique de la télémédecine et accéléraient par-là même ses usages, jusqu'à faire des émules chez les autres professionnels du soin, médecins et paramédicaux.
Un décret publié le 20 mars au Journal officiel est, à son tour, venu assouplir les conditions dérogatoires de prise en charge des activités de télésoin réalisées à domicile par les infirmiers libéraux conventionnés, afin de prendre en charge les personnes atteintes par le Covid-19.
Ainsi, dans la droite ligne d'un avis publié le 16 mars par la HAS, les patients infectés par le Sars-Cov-2 peuvent être maintenus à domicile sous "suivi médical" et faire l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie à un infirmier libéral par dérogation aux dispositions conventionnelles jusqu'alors en vigueur.
Ce décret prévoit également "une exonération du ticket modérateur sur les téléconsultations réalisées pour les personnes dont le diagnostic d'infection à Covid-19 a été posé ou suspectées de l'être ainsi que pour les actes de télésuivi infirmier", instaurant ainsi le remboursement à 100% des actes de télémédecine pour ces patients.
Pour rappel, le remboursement de droit commun des actes de télémédecine par l'assurance maladie obligatoire s'élève à 70% en temps normal. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, mises en œuvre jusqu'au 31 mai 2020.
Après les infirmiers, une autre profession paramédicale a pu s'appuyer sur la télémédecine pour poursuivre son activité, sans risque: l'orthophonie libérale.
Un arrêté publié le 26 mars au Journal officiel a autorisé le recours à la télésanté pour plusieurs actes d'orthophonie dans le cadre exceptionnel de lutte contre l'épidémie de Covid-19 et a notamment détaillé leur facturation à l'assurance maladie par les praticiens paramédicaux.
Le texte venait compléter l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et précisait, dans son article 8, les dispositions relatives à la télésanté.
Cet arrêté complémentaire est, concrètement, venu ouvrir la voie à la téléconsultation pour plusieurs actes d'orthophonie même si le texte a souligné que "la pertinence du recours au télésoin est déterminée par l'orthophoniste".
Les conditions diffèrent aussi des assouplissements précédents. "Ces actes de télésoin sont conditionnés à la réalisation préalable, en présence du patient, d'un premier soin par l'orthophoniste", est-il noté.
Pour les mineurs de moins de 18 ans, la présence d'un des parents majeurs ou d'un majeur autorisé est nécessaire. Pour les patients présentant une perte d'autonomie, la présence d'un aidant est également requise.
Mais ces actes, au nombre de 14, sont désormais facturables à l'assurance maladie, jusqu'au 15 avril 2020. Ils sont mentionnés en annexe du texte du JO.
L'arrêté du 23 mars avait également valorisé les actes de téléconsultation réalisés par les sages-femmes libérales "à hauteur d'une téléconsultation simple (code TCG)".
Un arrêté publié le 1er avril au Journal officiel a précisé cette valorisation et a listé les actes de télésoin autorisés dans le cadre exceptionnel de la lutte contre l'épidémie de Covid-19.
Ces actes facturables à l'assurance maladie dans le cadre d'une réalisation à distance par téléconsultation figurent en annexe de l'arrêté.
Grâce à ce texte, les pouvoirs publics ont entériné le fait que les sages-femmes puissent assurer le suivi médical des femmes enceintes et personnes à risque, malgré l'épidémie de coronavirus, et être rémunérées comme pour une consultation en présentiel.
Si l'explosion de la télémédecine et la multiplication des cas d'usages en période de crise sanitaire sont une belle lueur d'espoir pour "l'après Covid-19" et l'intégration de la pratique dans la vie courante des Français, elle pose inéluctablement la question des inégalités numériques.
Le 29 mars sur France Inter, Cédric O, secrétaire d'Etat chargé du numérique, a reconnu que "pour celles et ceux qui sont confinés aujourd'hui, sans internet, c'est la double peine" et a réaffirmé la volonté des pouvoirs publics à "continuer à tirer du câble pour raccorder un maximum de Français à internet, même pendant la crise".
Pour répondre aux 13 millions de Français ne sachant pas se servir d'internet et à tous ceux ne pouvant, techniquement, pas y accéder, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a autorisé le 4 avril, dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, la téléconsultation par téléphone pour ces patients.
Par ailleurs, pour tous les autres, le ministère des solidarités et de la santé a, également, publié une liste de solutions de télémédecine.
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